Nouvelle attaque contre des membres du mouvement Reconocido

Le 26 février 2025, des agents de l'État ont agressé physiquement la défenseuse des droits humains Epifania St. Chals Lichardo en s’introduisant illégalement chez elle, dans la municipalité et la province d’El Seibo. L’attaque a été perpétrée dans un contexte d'augmentation exponentielle des détentions arbitraires par le biais du profilage racial, des expulsions massives et des attaques contre les défenseur⸱ses des droits humains, en particulier celles et ceux qui œuvrent pour la protection des migrants et des personnes d'ascendance haïtienne en République dominicaine.

Epifania St. Chals Lichardo est coordinatrice et cofondatrice de Reconocido (Red Común Nacional Organizada de Ciudadanos/as Domininicanos/as), un mouvement qui milite pour les droits à la citoyenneté et à l'égalité pour tous les Dominicains d'ascendance haïtienne, mobilise et autonomise les communautés marginalisées, et accompagne les personnes qui ont besoin d'un soutien juridique pour accéder à leurs papiers.

Aux premières heures du 26 février 2025, la défenseuse se trouvait avec ses filles mineures et sa mère dans sa maison située dans la ville d'El Seibo, lorsque huit agents de la police nationale, de la direction générale des migrations et de l'armée sont entrés chez elle sans présenter de mandat et munis d'armes longues, sous prétexte de rechercher des ressortissants étrangers sans papiers. Lorsqu’Epifania St. Chals a commencé à filmer les agents qui se trouvaient chez elle, l’un d’eux a violemment pris son téléphone et a effacé les vidéos. La défenseuse a rapporté que l'agent l'a tenue par le cou et a menacé de l'étouffer, le tout devant ses filles et sa mère.

Ce n'est pas la première fois que des membres du mouvement Reconocido font l'objet d'attaques, de menaces et de raids. Front Line Defenders a également reçu des informations concernant des raids contre des défenseur⸱ses des droits humains qui ont souvent lieu aux premières heures du jour et sans aucune ordonnance judiciaire, au cours desquels les agents obligent les défenseur⸱ses à effacer toute preuve de leurs actions afin de les empêcher de signaler les faits. On constate une recrudescence des actes de violence contre les personnes qui dirigent les organisations sociales et travaillent avec les populations migrantes et d’ascendance haïtienne. La situation est d'autant plus préoccupante que ces violences sont dirigées contre des défenseuses des droits humains.

Front Line Defenders rappelle que les membres du mouvement Reconocido bénéficient de mesures de précaution accordées par la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH). L'organisation condamne fermement la récente attaque contre la défenseuse des droits humains Epifania St. Chals Lichardo, sa famille et d'autres membres du mouvement Reconocido.

Front Line Defenders réitère son inquiétude quant au contexte de violence auquel les défenseur⸱ses des droits humains sont confrontés, qui s'est considérablement aggravé depuis les dernières mesures migratoires et les déclarations du Président, visant à déporter dix mille Haïtiens par semaine. Ces objectifs bafouent les engagements internationaux pris par la République dominicaine concernant les droits des migrants et des Dominicains d'origine haïtienne, ainsi que son devoir de veiller à ce que les défenseur⸱ses des droits humains puissent travailler sans crainte de représailles.

Front Line Defenders exhorte les autorités de République dominicaine à :

1. Mener une enquête immédiate, exhaustive et impartiale sur la descente illégale et l'agression de la défenseuse des droits humains Epifania St. Chals Lichardo, afin d'identifier les responsables, de les traduire devant un tribunal compétent et impartial et d'appliquer les sanctions prévues par la loi dominicaine ;

2. Garantir la santé physique et psychologique et le bien-être de la défenseuse des droits humains Epifania St. Chals Lichardo et de sa famille ;

3. Respecter les mesures de précaution accordées par la CIDH au mouvement Reconocido et à ses membres ;

4. Veiller à ce que tous les défenseur⸱ses des droits humains en République dominicaine puissent mener leurs activités légitimes de défense des droits humains en toutes circonstances, sans craindre de représailles et sans restrictions.