Iran : Inquiétudes concernant les frappes israéliennes à la prison d’Evin, les nouveaux amendements à la « loi sur l’espionnage », les arrestations massives et la sécurité des défenseur⸱ses des droits humains détenus
Front Line Defenders réitère son appel du 17 juin 2025 à tous les États et à la communauté internationale pour qu’ils assument leur responsabilité de protéger les défenseur⸱ses des droits humains dans le contexte de l’escalade entre Israël et l’Iran du 13 au 25 juin 2025. Plus spécifiquement, Front Line Defenders exhorte les autorités iraniennes et israéliennes, ainsi que tous les signataires de la Convention de Genève, à respecter leur obligation de protéger les civils, y compris les défenseur⸱ses des droits humains. L’organisation demande une enquête internationale, impartiale et indépendante sur l’attaque israélienne de la prison d’Evin, où de nombreux défenseur⸱ses des droits humains sont injustement emprisonnés. Les résultats de l’enquête doivent être rendus publics et les acteurs qui violent le droit humanitaire international et les lois relatives aux droits humains doivent être tenus responsables de leurs actes.
Le 23 juin 2025, les forces israéliennes ont attaqué le complexe d’Evin, où se trouvent la prison d’Evin, le tribunal d’Evin, le bureau de Kachouie et d’autres centres administratifs. Les prisonniers, notamment les défenseur⸱ses des droits humains, qui se trouvaient dans la clinique, la bibliothèque et les quartiers de la prison d’Evin ont déclaré avoir été terrifiés par les attaques. La plupart des prisonniers ont été évacués de la prison après l’attaque. Toutefois, selon un porte-parole du système judiciaire iranien, au moins 79 personnes ont été tuées, dont des prisonniers, des membres du personnel pénitentiaire, des travailleurs sociaux, des gardiens, des voisins et des membres des familles des prisonniers, et plusieurs autres ont été blessées.
Plus de 60 prisonnières ont été transférées de la prison d’Evin à la prison de Qarchak à Varamin, où elles souffrent de mauvaises conditions d’hygiène et n’ont pas accès aux traitements médicaux essentiels. Les hommes détenus quant à eux ont principalement été transférés dans la prison du grand Téhéran, où les conditions d’hygiène seraient déplorables et où ils n’auraient pas accès à l’eau potable. Lors du transfert dans la soirée du 23 juin, les prisonniers, y compris les défenseurs des humains, ont été enchaînés. Seul un prisonnier grièvement blessé n’a pas été attaché. Les vies des défenseur⸱ses des droits humains et des autres prisonniers ont ainsi été considérablement menacées, le bus de transfert étant exposé aux frappes aériennes israéliennes.
Le 21 juin 2025, le défenseur Amirhossein Mirbahari a été arrêté chez lui, dans l’est de Téhéran, par des agents des services de renseignements. Les agents ont confisqué ses appareils électroniques et l’ont transféré dans une cellule de haute sécurité gérée par l’agence des renseignements de la prison d’Evin. Au moment de son arrestation, Amirhossein Mirbahari se remettait d’une opération chirurgicale due à des complications gastro-intestinales. L’accès à un avocat et les appels de sa famille lui ayant été refusés, on ne sait toujours pas où il se trouve depuis les frappes des forces israéliennes sur la prison d’Evin.
De même, le 14 juin, la défenseuse des droits humains Motahereh Gounei a été arrêtée à Téhéran après une perquisition de son domicile par des agents des renseignements. Elle a été arrêtée après avoir publié un message sur les réseaux sociaux dans lequel elle critiquait les dirigeants iraniens et les rendait responsables de la situation du pays. Après son arrestation, Motahereh Gounei a été transférée à la prison d’Evin, où elle a aussi été détenue dans une cellule surpeuplée de haute sécurité gérée par l’agence des renseignements. On est sans nouvelles d’elle depuis le 23 juin, après les frappes israéliennes sur la prison d’Evin.
Le 23 juin 2025, le Parlement iranien a voté l’aggravation des peines pour les accusations liées à l’« espionnage », avec neuf amendements au texte original de mai 2013. Selon l’amendement 1, toute forme d’espionnage au profit d’Israël ou d’autres acteurs considérés comme hostiles est passible de la peine de mort. En outre, l’amendement 4 de la nouvelle loi sur l’espionnage stipule que toute activité de propagande considérée comme hostile ou portant atteinte à la sécurité nationale de l’Iran peut être punie d’une peine pouvant aller jusqu’à 15 ans de prison et, si elle relève du premier amendement de la loi sur l’espionnage, de la peine de mort.
Pendant et après l’attaque israélienne contre l’Iran le 13 juin, les médias publics iraniens ont fait état de l’arrestation de plus de 700 personnes pour des raisons de sécurité nationale, notamment en vertu de la « loi sur l’espionnage ». Les groupes ethniques et religieux marginalisés et les réfugiés sont parmi les plus visés. Lors de l’arrestation de Motahareh Gounei, un mandat d’arrêt lui a été présenté sans qu’aucun nom n’y soit mentionné, ce qui laisse craindre que d’autres arrestations arbitraires aient été exécutées de la même manière.
L’Iranian Coordination Council of the Teachers Association (ITTA) a indiqué que neuf enseignants et défenseur·ses des droits humains ont été accusés le 25 juin 2025 par la branche 1 du tribunal révolutionnaire de Kerman. Ils ont été accusés d’avoir « insulté le sacré et les autorités », de « propagande contre l’État » et d’« atteinte à la sécurité du pays par l’appartenance à des groupes d’opposition ». Leur procès est prévu le 20 juillet 2025.
Front Line Defenders est profondément préoccupée par les nouveaux amendements à la « loi sur l’espionnage » et par l’intensification des sanctions pour ce chef d’accusation, sans respecter les procédures régulières et les procès équitables. Alors que l’amendement 1 viole le droit à la vie des individus, l’amendement 4 restreint le travail des défenseur⸱ses des droits humains, des journalistes et de celles et ceux qui documentent les violations des droits humains et de la liberté de réunion et d’association, et les expose à un risque accru de poursuites.
Front Line Defenders se joint à l’appel de la Mission d’enquête des Nations unies et du Rapporteur spécial sur l’Iran, qui ont exprimé leurs inquiétudes quant à l’intensification des accusations liées à la sécurité nationale, dont certaines sont passibles de la peine de mort. Cette situation est très préoccupante compte tenu du nombre élevé d’arrestations arbitraires de défenseur⸱ses des droits humains, de journalistes, d’utilisateurs de réseaux sociaux et de ressortissants afghans susceptibles d’être inculpés en vertu des lois modifiées. Front Line Defenders est particulièrement alarmée par la vague d’expulsions de ressortissants afghans, y compris des défenseur⸱ses des droits humains en Iran qui avaient fui les poursuites judiciaires en Afghanistan. Le 30 juin 2025, le porte-parole de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a indiqué que 233 941 Afghans avaient été renvoyés d’Iran en Afghanistan en juin 2025, dont 131 912 au cours de la seule semaine du 21 au 28 juin. Le gouvernement iranien a annoncé que la date limite pour le départ des Afghans sans papiers était fixée au 6 juillet 2025.
Front Line Defenders demande instamment aux autorités iraniennes de révéler où se trouvent les défenseur⸱ses des droits humains Motahareh Gounei et Amirhossein Mirbahari, et de leur permettre d’avoir accès à un avocat et à des appels téléphoniques. Front Line Defenders exige leur libération immédiate ou leur mise en liberté provisoire pour des raisons humanitaires, ainsi que la libération d’autres défenseur⸱ses des droits humains, notamment Golrokh Iraee, Nasrin Javadi, Fariba Kamalabadi, Serveh Pourmohammadi, Jina Modares Gorji, Sharifeh Mohammadi, Mohammad Najafi, Mohammad Reza Faghihi, Reza Khandan, Ahmadreza Haeri, Taher Naghavi, Mehdi Mahmoudian, Esmail Gerami, et Zia Nabavi.