Back to top
1 Juillet 2025

Philippines : Cessez le harcèlement et le déplacement de la communauté autochtone Molbog Bugsuk à Palawan

Nous, les organisations soussignées, demandons d’urgence la protection des communautés autochtones Molbog et Palaw'an des îles Bugsuk et Mariahangin, dans le sud de l’île de Palawan, aux Philippines. Ces communautés sont engagées dans la défense de leurs droits collectifs, qui sont ignorés par le projet d’écotourisme de luxe à grande échelle développé par Bricktree Properties, une filiale du conglomérat multinational philippin San Miguel Corporation (SMC). SMC déplace les communautés Molbog et Palaw'an de leurs territoires avec le soutien de l’État.

Depuis plus d’un an, la communauté Molbog fait face à des actes d’intimidation armés, d’acharnement judiciaire et de répression systémiques. Depuis avril 2024, plus de 80 membres du personnel armé de JMV Security Services, qui aurait été engagé par Bricktree Properties, ont été déployés à plusieurs reprises dans la zone. Le 29 juin 2024, des membres de la communauté ont formé une barricade humaine pour empêcher le débarquement de gardes armés sur l’île de Mariahangin. Un coup de feu a été tiré au cours de l’affrontement. Personne n’a été blessé, mais l’événement a laissé de profonds traumatismes psychologiques dans les communautés. Malgré des appels urgents, la police locale a d’abord refusé de fournir une assistance ; elle n’a agi qu’après l’intervention de la Commission des droits de l’homme de Palawan.

À la suite de cet incident, la communauté fait état de harcèlement continu, d’une surveillance armée et d’un accès restreint à ses zones de pêche, des violations qui touchent au cœur de l’autodétermination et de la sécurité alimentaire des populations autochtones. Cette agression perpétrée par une entreprise s’accompagne d’un schéma troublant d’impunité et de criminalisation.

Le 15 mai 2025, dix défenseur⸱ses des droits humains autochtones et non autochtones, désormais appelés les « 10 de Mariahangin », ont été arrêtés et accusés de coercition grave pour avoir bloqué pacifiquement leur territoire afin d’empêcher l’entrée de l’ancien directeur exécutif de la Commission nationale des peuples autochtones (NCIP) et du personnel du Département de la réforme agraire (DAR) en juin 2024. Le blocus a été mis en place en réponse aux inquiétudes de la communauté, qui craignait que le groupe NCIP-DAR ne tente de corrompre les habitants pour qu’ils renoncent à leurs terres ancestrales dans le cadre d’un projet d’écotourisme de luxe. Le personnel du DAR aurait également averti les habitants de la démolition imminente de leurs maisons pour faire place à des travaux de construction, ce qui a incité la communauté à faire valoir son droit à la consultation et à s’opposer au déplacement forcé. Ces arrestations ont eu lieu quelques jours avant la détention d’Oscar « Ka Ondo » Pelayo Jr, un chef respecté de la communauté de Molbog, en vertu d’une accusation de pêche illégale remontant à 2006. Tous les individus ont été temporairement libérés sous caution, mais restent exposés à des poursuites judiciaires. Les groupes de défense et les experts juridiques considèrent généralement que ces accusations sont montées de toutes pièces et constituent des mesures de rétorsion, et qu’elles s’inscrivent dans une stratégie plus large visant à diviser, intimider, épuiser et réduire au silence les communautés autochtones qui défendent leurs droits.

Ces incidents ne sont pas isolés, ils reflètent un modèle profondément ancré d’« agression par le développement » aux Philippines, où les entreprises soutenues ou tolérées par l’État déplacent systématiquement les communautés autochtones au nom de l’investissement et du progrès.

La culture du développement économique axé sur le profit et l’impunité des entreprises doit cesser, et les États et les entreprises doivent adhérer aux normes internationales en matière de droits humains, notamment aux Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme et aux déclarations des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, sur le droit au développement et sur les défenseurs des droits humains.

Nous appelons le gouvernement des Philippines à :

  1. Demander l’arrêt immédiat de ce harcèlement : Exiger le retrait immédiat de tout le personnel de sécurité privé armé des terres et des eaux ancestrales de Molbog, la fin de toutes les formes d’intimidation et de harcèlement à l’encontre des membres de la communauté, et l’abandon immédiat et inconditionnel de toutes les charges retenues contre les défenseur⸱ses des droits humains.
  2. Plaider pour la reconnaissance juridique et la Justice : Le département de la réforme agraire (DAR) et la commission nationale des peuples autochtones (NCIP) doivent rétablir l’avis de couverture pour Bugsuk et Mariahangin, et accélérer le traitement et l’approbation des demandes de certificat de titre de domaine ancestral (CADT) pour Molbog et Palaw'an.
  3. Veiller à ce que les auteurs de violations des droits humains rendent compte de leurs actes : Ouvrir une enquête impartiale sur toutes les violations des droits humains et tous les abus signalés, y compris les arrestations de leaders communautaires sur la base d’accusations douteuses, et demander des comptes à tous les coupables, qu’il s’agisse d’entreprises ou d’acteurs étatiques.
  4. Promouvoir des consultations authentiques et significatives et le consentement libre, informé et préalable (CLIP) : Aucun projet de développement ne devrait être mis en œuvre sur des terres ancestrales sans avoir obtenu le consentement libre, informé et préalable des communautés autochtones concernées, en garantissant leur participation pleine et effective aux processus de prise de décision.
  5. Soutenir le développement durable mené par les populations autochtones : Garantir des politiques et des programmes qui soutiennent et renforcent les moyens de subsistance traditionnels et les pratiques culturelles de la communauté Molbog Bugsuk, en reconnaissant leur durabilité inhérente et leur droit à l’autodétermination sur leur territoire ancestral.
  6. Mettre fin à l’agression par le développement et garantir que les entreprises soient tenues responsables : Remplissez votre devoir de régulation et de supervision des activités des entreprises en mettant fin aux projets de développement à but lucratif qui portent atteinte aux droits humains. Tenir San Miguel Corporation et ses filiales pour responsables des abus répétés contre les communautés et les défenseur⸱ses des droits humains, et prendre des mesures concrètes pour mettre fin à la culture de l’impunité des entreprises.
  7. Respecter les obligations internationales en matière de droits humains : Respecter et appliquer pleinement les normes internationales relatives aux droits humains, notamment les Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, la déclaration des Nations unies sur le droit au développement et la déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits humains. En tant que responsable, le gouvernement doit veiller à ce que ces normes se reflètent dans les politiques nationales, les pratiques et le contrôle des entreprises.

Signataires :

CIVICUS

Forum-Asia

International Land Coalition

Front Line Defenders